Quel avenir pour le jeu dans cette nouvelle décennie ?
Une nouvelle année, une nouvelle décennie, il n'en fallait pas moins pour que de nombreux journalistes pondent des centaines d'articles sur les projets qui vont (d'après eux) marquer les dix années à venir. Pour autant il y a un avis qui m'intéresse sur le sujet, c'est celui d'Eric Viennot, co-fondateur de Lexis Numérique et pionnier de la fiction Trans Média avec In Memoriam.
Il s'interroge sur son blog avec Nicolas Georget du même studio sur les nouveautés qui devraient marquer les prochaines années dans le jeu. 6 chantiers pourraient émerger selon eux :
- Hybridation des genres (les jeux multi-genre comme GTA, Assassin's Creed)
- Game-Design physique (utiliser les capacités de simulation physique des machines. ex: PixelJunk Shooter)
- Nouvelles interfaces (difficile de ne pas penser à Natal et Gems)
- Gameplay Social (des jeux concepts, moins chers, plus courts et originaux)
- Transmédia (vers une réalité toujours plus présente pour le jeu dans notre vie quotidienne)
- Un jeu plus adulte (vers des émotions plus adultes)
Je n'ai pas la prétention de rivaliser avec M Viennot, bien loin de là, mais j'ai aussi quelques avis sur la question et j'aimerais les échanger avec les votres.
Pour moi c'est le dernier point soulevé Eric Viennot et Nicolas Georget qui mérite toute notre attention. La plupart des autres points seront très certainement visités par les studios et éditeurs parce que ce sont des mutations déjà enclenchées par l'industrie. Certains sont tout juste émergents comme le transmédia, d'autres commencent à s'imposer de fait grâce à la dématérialisation, comme ce que j'appelle les jeux concept. Pour autant, il n'y a encore que trop peu de jeu adultes dans notr industrie.
L'histoire du jeu me parait proche du cinéma, à l'exception que l'ère numérique a permis au jeu vidéo de faire en cinquante ans ce que le cinéma a mis plus du double à réaliser. Gagner le grand public et s'imposer comme une puissante industrie de création. Le revers de ce succès rapide, c'est que le jeu vidéo est enfermé dans des clichés, contrôlé par des éditeurs qui pensent forcément plus à rentabiliser qu'à innover. Aussi si le cinéma a vu naître une heureuse ramification qu'est le cinéma d'auteur, qu'en est-il du jeu-vidéo ? Quand verrons nous des jeux capables de porter une idéologie, une utopie en images. Il existe quelques expériences dans le domaine comme l'excellent 12 September, mais globalement les jeu dits "politiques" se limitent à un bête jeu où il faut claquer l'homme politique de votre choix en cliquant frénétiquement sur une fenetre flash.
La montée en puissance des jeux indépendants grâce à la dématérialisation, au moins sur XBox360 et PC, laisse espérer une plus grande représentation de ce genre à l'avenir. Mais comment toucher un public habitué à voir dans le jeu quelque chose d'obligatoirement fun et défoulant ? Les réseaux sociaux (encore eux) pourraient être un angle d'attaque possible pour toucher un public large, mais difficile de connaître aujourd'hui la réaction de la masse face à des jeux qui interrogent sur le monde réel et qui prennent parti.
Là où le Serious Game permet en quelque sorte de former/formater des joueurs à des pratiques ou une méthode de raisonnement, ne pourrions nous pas concevoir des jeux pour ouvrir l'esprit des joueurs ?
Billets similaires | Tagsavenir du jeu 2020 eric viennot perspectives reflexion analyse transmedia |
Commentaires 8 commentaires
maxi le 18 Janvier 2010 à 16:06
Intéressante réflexion ! pour ce qui est du fossé entre le cinéma et le jeu vidéo, il y a des points qui sont comparables mais les deux médias sont fondamentalement opposés.Le cinéma est proche de la littérature pour son aspect narratif, alors qu'il est difficile de dire que le jeu vidéo est issu du cinéma. Même s'il s'en est largement inspiré, son principe depuis toujours interactif et sa dépendance constante aux nouvelles technologies en fait un média définitivement à part. Et ce ne sont pas les supports à venir qui vont pousser les éditeurs à travailler la profondeur des scenarii et la richesse de leurs produits, oh que non.
Je pense que dans les 10 ans à venir le jeu vidéo va rester dans le domaine du divertissement, jamais intellectuel car il ne favorise pas l'imagination comme peux le faire un livre, jamais aussi populaire que le cinéma car il ne suffit pas au spectateur d'être passif (cqfd).
Alors s'il l'on prend le temps de se pencher sur ce qui s'est fait ces trente dernières années, on se rend vite compte que les fondamentaux sont toujours là. Peut-être que le fait de se servir de son corps comme joystick va apporter un peu de nouveauté dans le gameplay, mais le gamer est toujours devant un écran, transposé au petit amas de pixels qui doit sauver une princesse.
Des jeux pour adultes, je trouve qu'il n'en manque pas, ne serait-ce que par la violence omniprésence, qui normalement, ne s'adresse pas à un jeu public. Et que dire des simulations pointues et des RTS assez complexes pour dégoûter n'importe quel Kévin ? OK ce sont des jeux plutôt rares, mais ils ont le mérite d'exister.
Comme tu l'as dis le jeu vidéo a évolué plus vite que ces compères, mais sa maturité n'est pas dans les budgets colossaux qu'il nécessite, le jeu vidéo est encore tout jeune. On va avoir droit à des produits toujours plus travaillés, graphiquement, musicalement (hé, faut pas oublier la musique !), mais tout ça ne sortira pas des sillons déjà bien tracés.
Quoiqu'il en soit le jeu vidéo va continuer à rassembler de plus en plus de monde (même sur face-de-bouc c'est dire) pour continuer à apporter du divertissement, de la réflexion, des bons moments entre potes ou en famille (d'après les pubs nintendo en tout cas) est-ce qu'on lui en demande plus ?
Seb le 18 Janvier 2010 à 18:00
A quoi sert le cinéma à part divertir ? Pourtant il se permet de critiquer, d'apporter un point de vue critique sur la société. Je veux faire une différence en le "jeu adulte" et le "jeu POUR adulte" avec un sticker +18 sur la boîte, du cul et de la violence dedans. Même les RTS n'ont rien d'adulte, c'est un genre récupéré du jeu de plateau classique et transposé avec les moyens techniques d'une machine d'aujourd'hui.Pour moi le jeu adulte serait l'équivalent du cinéma d'auteur, ces petits films qui ne sortent quand dans les petites salles loin de la médiatisation (malheureusement) et qui osent pointer du doigt tous les travers de notre société.
Et concernant la narration c'est justement un des points sur lesquels de nombreux Game-Designer travaillent et s'interroge avec plus ou moins de succès depuis des années. Interactivité et narration ne sont pas incompatibles, mais le complexité d'un scénario non linéraire est évidement tout autre. Au delà de la narration écrite, il y a tout ce qui peut être vécut comme de la narration mais généré par les actions du joueur.
GTA et ses clones, c'est démoralisateur à souhait, ça prône la violence gratuite avec un univers extrêmement libre. Il y a forcément des solutions pour véhiculer derrière toute cette puissance (créative ou technique) un peu d'idées, de sentiments et de rêve. Tous les gens ne rêvent pas que de guerre et d'argent ? Il y a d'autres moteurs que nous pourrions utiliser dans leur imagination pour les transporter et créer des expériences de jeux plus "positives", j'en suis persuadé.
maxi le 18 Janvier 2010 à 19:00
Justement, le cinéma qui au départ est un divertissement a pu devenir critique parce que populaire ! Je ne pense pas que ça soit l'avenir de jeu vidéo, question de crédibilité.Je n'ai pas dis que les RTS étaient des jeux adultes, j'ai parlé des simulations (flight simulator c'étais quand même le jeu à papa) et des RTS pointus, qui s'adressent à un public plus âgé. Cela n'empêche rien, la question n'est pas celle de la violence mais de l'intérêt que peux porter un adulte à ce genre de produits.
Je n'ai pas dis non plus que la narration et l'interaction étaient incompatibles, c'est le principe de base, une cinématique, un séquence de jeu, les deux ensemble ça nous donne Half-life (plus tout récent). Je n'ai pas eu l'occasion de tester Uncharted, mais les vidéos donnent une bonne idée. C'est un concept que je trouve intéressant et qui sera surement exploité de plus en plus à l'avenir, mais "Les livres dont vous êtes le héro" ce n'est pas nouveau non plus.
Sur ton dernier paragraphe, je suis tout à fait d'accord, on en a déjà discuté : peu de jeux abordent autre chose que la confrontation (guerre ou sport). Quelques-un des exemples opposés sont les jeux Maxis ou Tycoon (Tetris quoi), alors la question c'est : comment apporter de la narration dans ces univers alors que le principe de base d'un scénario c'est inévitablement une intrigue et/ou une confrontation ???
maxi le 18 Janvier 2010 à 19:07
Tout ça pour dire : tout ce dont tu parles est très intéressant, mais mon conseil est : penche-toi sur ce qu'est fondamentalement le média que tu défend corps et âme ;)Seb le 18 Janvier 2010 à 19:36
On étudiera en détails le cas Uncharted 2 ce week-end ;)dante le 19 Janvier 2010 à 0:53
Ou alors peut être que le jeu doit rester dans sa branche qui est le divertissement (en solitaire ou en communauté). Le jeu multijoueurs permet de partager toujours plus de moments sympas, frustrants ou comiques :) , et ce n'est pas le cinéma ou les livres qui vont apporter ça.Je pense que chaque média a sa fonction principale, le jeu se doit de divertir, on appelle bien ça des jeux vidéos, ce ne sont pas des narrations, ou des prises de têtes sur le sens de la vie. Pour moi on a déjà tous les outils en main pour exprimer nos sentiments, ou nos mécontentements. Chaque chose à sa place.
Personnellement je n'ai jamais aimé les jeux engagés, et c'est une critique que j'avais pour certains game designer de l'enjmin justemnet, toujours ce sentiment de vouloir dire aux autres ce qu'on aime pas. Mais merde, les gens s'en foutent, comme tu le dis, on s 'en fout totalement d'incarner un sosi de Sarkosy pour faire des conneries aussi ridicules les unes que les autres. Je suis pour les jeux qui innovent en matière de gameplay, et il y a des chances pour que la dématérialisation soit l'un des points forts des prochaines années. A surveiller de pret !
Seb le 19 Janvier 2010 à 9:49
Je suis d'accord sur le principe, le jeu est avant tout un média pour le divertissement fun, mais pendant que des millions de joueurs consomment du Modern Warfare 2 ou du America's Army, des propagandes ouvertement affichées pour la guerre pro-américaine et ça ne choque personne (ou si peu).Je ne parle pas de jeux politiques avec les têtes de nos représentants en flash, mais de trucs plus légers et implicites. J'avais testé à l'époque où je travaillais pour Generation-NT un titre de type RTS qui mettait en avant l'écologie et l'environnement de manière générale (http://www.generation-nt.com/test-life-simulation-zones-urgence-article-25008-1.html). Le principe était très intéressant et bien amené (pas du serious game bête) mais la réalisation manquait de finesse. Preuve qu'il y a vraiment matière à faire des choses accessibles et divertissantes.
invité le 28 Janvier 2010 à 12:25
Personnellement je trouve ta démarche très intéressante, je suis allé voir le jeu "life-simulation-zones-urgences" et dans le contexte post tremblement de terre à Haïti, ça pourrait générer des vocations. Effectivement il doit y avoir une place pour autre chose que des jeux de guerre ou de massacres. Pourquoi un jeu "adulte" serait-il forcément "prise de tête" le cinéma d'auteur dont tu parles, s'il a une faible visibilité vis à vis du grand public, véhicule des valeurs fortes et souvent novatrices qui ont souvent amorcé des changements de mentalités. Face à des jeux "destructifs" où il faut casser ou tuer un maximum de cibles, et qui peuvent apporter un défoulement parfois bien utile, il y a place pour des jeux "constructifs" où l'ingéniosité humaine sera mise à contribution, stimulée et développée, que du bonheur en somme. L'un n'exclut pas l'autre...